[Obliviate] | Apolline L. De Versailles | ft. Edelgard - FE:TH

Il fait les cent pas devant la cheminée, située dans le petit salon de son bureau, visiblement en proie à la frustration. Comment a-t-il pu en arriver là ? Il avait toujours été excessivement prudent, à toujours mis tout en œuvre pour que personne ne le sache, que personne ne le retrouve, que personne ne le dénonce. Alors, comment ? Comment est-ce que cette fichue Vélane avait pu le retrouver et lui remettre ce cadeau empoisonné ? Oh, elle avait si sagement obvier de faire remarquer sa présence, déposant simplement le couffin devant la porte avec un petit mot, frappant à l'entrée et quittant les lieux aussi vite qu'elle était venue, ne se souciant guère des températures. La descendante de gobelin avait entendu, emmenée et réchauffée puis expliqua la situation au maître des lieux. Elle lui avait tendu la lettre, celle qu'elle n'aurait pas dû lire. Elle n'avait rien dit à ce sujet, mais elle se doutait. Il l'avait congédié, restant seul avec la nouvelle-née. Lui avait déchiré le haut de la lettre, ne remarquant pas qu'elle avait déjà été ouverte, lisant le peu de mot inscrit.


S'arrêtant de tourner, il jette le papier avec fureur dans le feu crépitant, lançant un regard noir à l'enfant qui dort paisiblement. Il fallait qu'il trouve une solution. Il avait songé à la laisser dans un orphelinat, mais que se passerait-il si un jour, elle parvenait à remonter à ses origines ? Il aurait pu mettre un terme à sa vie, mais cela reviendrait à commettre un infanticide. Non seulement l'idée le dégoûte, mais en plus, il ne souhaite nullement finir derrière des barreaux. Il soupira longtemps et fortement : avait-il un autre choix que de la garder et d'assumer qu'elle est sa fille ? Il pourrait faire croire à une adoption, mais si elle venait à lui ressembler, alors tout serait foutu. Il se devrait d'inventer une histoire suffisamment tordue, mais convaincante et faire tout ce qui est nécessaire pour que tous y croient.


La flore a retrouvé sa parure aux mille couleurs. Les arbres s’habillent à nouveau de leurs feuilles et les fleurs osent se dévoiler au monde. On peut entendre les oiseaux gazouiller une douce chanson joyeuse, synonyme de la fin de l’hiver. Le ruisseau qui traverse le jardin est dégelé, laissant passer des canards sous son petit pont de pierre. Des bruits de pages qui se tournent se mêlent à la douce brise. Ils sont trois enfants, deux garçons et une fille. Ils lisent tranquillement ensemble : réunis sous le kiosque, ils se laissent bercer par les bruits de la nature, chacun plongé dans une aventure différente. Le premier lit l’histoire d’une princesse endormie : horrifié depuis bien longtemps suite à une première version de l’histoire, il en tente une nouvelle. La deuxième lit l’histoire d’une jeune femme dont le père épouse une nouvelle femme, fière et hautaine, ayant déjà deux filles, qui mènera la vie dure à sa belle-fille. Et le troisième lit l'histoire d’une petite fille rendant visite à sa grand-mère, mais qui est abordée par un loup ne lui voulant guère du bien.

Son livre se baisse pourtant et il observe ceux qui sont venus au monde avant lui. Ils ont l’air si paisible et si serein. Sans un bruit, il se déplace près de sa sœur et pose sa tête sur son épaule. Dans sa tête, c’est affectif, comme un câlin et elle apprécie le geste, collant sa tête à la chevelure blonde en souriant. Lui, il les observe en souriant tendrement, mais au fond, il y a peut-être une minie pointe de jalousie. Alors il pose son livre également, et se rapproche des plus jeunes, croisant le regard de la jeune fille qui lui sourit et il pose finalement sa tête au-dessus des deux autres. Ils rient tous les trois et elle referme les pages également, glissant ses mains dans les leurs, comme une promesse silencieuse : ils ne s’échangeraient pour rien au monde.


Les murs s'effondrent encore, laissant place à des trous béants dans les couloirs et les salles de classe. Les lumières éteintes et qu'on ne peut allumer, la seule chose qui s'éclaire dans l'obscurité sont les feux dévorants s'étant déclarés à divers endroits du château, accompagnés des rayons de l'aurore qui s'infiltrent par les toitures anéanties. La fumée noire s'élève du bois consumé par les flammes et assombrit le ciel. Des morceaux de marbre blanc brisés jonchent les escaliers, des éclats de poutre enfoncent les façades, des fragments de granit et des brisures de verre s'éparpillent dans le hall et les corridors.

La bataille est finie depuis quelques heures, les assaillants étant parvenus à faire tomber ce lieu après une longue nuit. Les oreilles sifflantes, la tête tournante, le corps engourdi, ceux qui ont eu la chance de vivre sont épuisés, vidés, ils ont des traces de larmes gravées sur leurs visages sales et certains sont au fond du gouffre. Le silence qui règne n'est brisé que par des cris déchirants, des pleurs douloureux et des appels emplis de désespoir qui restent sans réponse. On peut aussi percevoir des mots de réconfort, de sympathie ou d'encouragement, mais aucune parole ne peut apaiser de telles souffrances. Bientôt, il faudra annoncer les nouvelles aux familles.

Il y a cet auror se tenant droit au milieu de cette scène, un bout de papier froissé dans la main, lequel contient les derniers mots d'une enfant à sa famille. Il n'avait pas trouvé celle qu'il cherchait dans les décombres et un rictus amer s'échappa de ses lèvres : trop. Trop de vies avaient été étouffées. Trop de rêves avaient été brisés. Trop de choses avaient été perdues dans cette guerre insensée. Et pourtant, elle n'était pas terminée. Les sols seraient encore tapissés par les corps d'étudiants, de professeurs, d'aurors et de mages noirs. Certains seraient défigurés, d'autres déchirés, quelques-uns comme s'ils se reposaient simplement. Tous seraient couverts de rouge et de l'odeur de rouille, allongés les uns à côté des autres, avec des mots qu'ils ne pensaient jamais prononcer.

Éveillés et sans peur, endormis ou morts.